Daniel Pink est un journaliste américain. Son livre, La Vérité sur ce qui nous motive traite de la motivation. La lecture que j'en ai faite et que je livre ici fut au cœur du développement de la Classe Accompagnée.
Les enjeux de la motivation intrinsèque
Les récompenses et les sanctions pour motiver les gens fonctionnent, mais elles ne fonctionnent efficacement que pour les activités peu exigeantes sur le plan cognitif (voir Taxonomie de Bloom, pour poser de meilleures questions): restituer un savoir, appliquer une consigne simple, faire un exercice dont le type est déjà connu... En d'autres termes, le bâton et la carotte ne fonctionnent que pour des tâches simples, répétitives et nécessitant peu de créativité. Dans le cadre scolaire, cette motivation extrinsèque est essentiellement représentée par les notes. Ce que dit Pink donc est que la motivation par la note a en réalité une portée très limitée et ne fonctionnera pas pour des activités plus complexes et plus riches. La note aura uniquement un impact sur des activités d'exécution mais aucun sur des activités pas de réflexion ou de créativité.
La conférence Ted de Daniel Pink, qui dure 18mn et qui est sous-titré en français, fonctionne comme un résumé de l'idée de son livre et une introduction aux idées dont on pourra se servir en classe :
Les trois éléments : sens, maîtrise et autonomie
Pour Pink, la motivation repose sur trois piliers. Le premier est un pilier que l'on commence à connaître dans l'enseignement, celui du sens. C'est d'ailleurs l'idée majeure de la pédagogie de projet. Les élèves ont besoin de savoir pourquoi et pour quoi ils apprennent quelque chose. Mais le "sens" de Pink, en anglais purpose, va plus loin. Selon lui, nous ne sommes réellement motivés que lorsque nous faisons quelque chose dans un but plus grand que nous. C'est pourquoi une phrase souvent employée, "c'est pas pour toi que tu travailles", n'aura pas d'effet. Pour donner du sens, il faut donc aider l'élève à comprendre qu'il travaille pour une raison concrète mais aussi pour dans un but qui va au-delà de lui-même. Les élèves le disent eux-même. Sur leur blog, i-voix.net, les élèves de première L de Jean-Michel Le Baut ont mené un atelier de réflexion sur leur pratique. Une de leur réflexion montre cette importance du sens :
Savoir que nous allons être lus par des personnes connues ou inconnues, que nous livrons nos créations à tout le monde, et non plus qu'au professeur, nous pousse à donner le meilleur de nous-mêmes. Si nous sommes fiers de notre réalisation, ou si les autres le sont, cela apporte une satisfaction personnelle et une utilité à notre travail, car ce n'est plus la note qui le justifie mais le fait qu'il soit lu et jugé. Nous sommes à la place de rédacteurs, plus seulement d'élèves. Nous pouvons apprendre aux autres, voire même au professeur.
Blog i-voix, "en quoi le numérique transforme-t-il le rapport à soi ?"
La deuxième idée, celle de maîtrise, implique que le travail fait par l'élève soit à sa portée. Ni trop dure, sans quoi il serait démoralisant, ni trop simple, sans quoi il serait démotivant. Derrière cette idée on sent poindre le besoin de la différenciation en classe. Mais là encore, Pink va au-delà de la simple idée d'une difficulté adaptée à chaque élève. Pour lui, la maîtrise est d'abord un état d'esprit de l'effort. Ajuster la difficulté à l'élève ce n'est pas lui rendre la vie facile, mais au contraire lui rendre la vie juste assez difficile pour que ça lui demande un effort. Derrière cette idée on trouve l'importance de l'erreur. Pour que les élèves puissent acquérir le goût de l'effort, il faut qu'ils aient connu le plaisir d'avoir surmonté, par eux-même, une difficulté. Cela nécessite donc de les laisser d'errer, de leur laisser le temps de se tromper. Trop souvent, on fourni la réponse afin de "faire avancer le cours". Mais ce gain de temps n'en est pas un si les élèves en perdent le goût de l'effort.
La troisième idée est l'idée centrale pour ce blog, celle de l'autonomie. Pink en donne quatre aspects essentiels. Ces aspects furent d'ailleurs les quatre lignes directrices qui ont permis le développement de la Classe Accompagnée.
Les 4 T de l'autonomie
Le moteur de l'autonomie est le choix. On peut dire avec Philippe Foray dans Devenir Autonome, qu'être autonome est la "capacité qu'a une personne de se diriger elle-même dans le monde". Se diriger soi-même c'est choisir ce que l'on fait, comment, avec qui et pour combien de temps.
Task - la tâche
On est autonome quand on peut choisir sur quoi on peut travailler. Il est plus facile de s'impliquer dans une activité si elle n'est pas vécue comme imposée, mais si on contraire on a pris part à la décision menant à l'activité. Même si on peut parler d'illusion du choix quand on dit aux élèves qu'ils peuvent faire les exercices dans l'ordre qu'ils souhaitent, il n'empêche que c'est un choix qui les implique d'avantage et qui est une étape vers la capacité de faire des choix personnels de tâches.
Technique - la manière
On est autonome quand on peut choisir la manière dont on peut travailler. Avec cette idée nous sommes dans le "apprendre à apprendre". Laisser aux élèves le choix de la manière de travailler n'aboutira à rien s'ils n'ont pas conscience de l'existence même d'autres possibilités. Si on leur en donne le choix, les élèves continueront d'appliquer la manière qu'ils connaissent même si celle-ci ne leur convient pas. C'est pourquoi, pour que le choix de la manière en soit vraiment un, il faut que dès le départ, l'enseignant fasse vivre aux élèves des manières différentes de travailler et attire leur attention sur elles dans des moments de débriefing par exemple.
Team - l'équipe
On est autonome quand on peut choisir avec qui on veut travailler, et si on veut travailler avec quelqu'un. Nous sommes des êtres sociaux. Il est plus agréable de travailler avec quelqu'un qu'on apprécie soit sur le plan personnel, soit sur le plan professionnel. Et ce qui est agréable est plus motivant. C'est vrai pour le travail de groupe comme pour le travail personnel. Il est peut être agréable de simplement travailler à côté de quelqu'un qu'on a choisi. Avec cette notion d'équipe, on arrive à la notion de travail de groupe en classe. Le travail de groupe peut être un bon moteur, mais il n'est pas sans contraintes. Il n'est pas toujours évident de s'y plier et se pose toujours la question de l'équilibre de la charge de travail entre les membres. Il est bon d'explorer des conditions de travail qui soient entre l'individuel solitaire et le groupe forcé, d'où l'idée en Classe Accompagnée d'un parcours individuel dans un environnement collaboratif. Les élèves doivent apprendre à choisir avec qui ils travaillent sans perdre de vue que c'est leur parcours d'apprentissage qui prime.
Time - le temps
On est autonome quand on peut choisir le temps que l'on passe sur les activités. Cette idée de laisser aux élèves la maîtrise du temps est peut-être la plus difficile à mettre en place en classe. Elle va à l'encontre de la perception que l'on a du cours, de l'idée de progression et de programme. Elle est pourtant essentielle pour être certain que les élèves tirent réellement profit du travail qu'ils font. Le cours avance, mais les élèves avancent-ils avec ? Quand on décide de faire une mise en commun avec la classe ou de donner la correction à un exercice, la question que l'on se pose est "quels élèves vais-je choisir de léser ?". Ceux qui ont fini et que je vais faire attendre pour rien ? Ou ceux qui ont à peine commencé parce qu'ils ont eu du mal à comprendre ? En laissant aux élèves la maîtrise du temps pour une activité, on leur laisse le temps de comprendre, le temps d'aller au bout, le temps de se tromper et de surmonter ses erreurs, et le temps de rapidement passer à autre chose.
Alan COUGHLIN, février 2017
Ce livre de Daniel Pink a le mérite de se lire facilement et rapidement. Il n'est pas destiné à l'enseignement, mais les points qu'ils soulèvent s'y prêtent aisément. Notre travail de pédagogue est d'en accepter les constats qui y sont faits et d'en trouver une application en classe.
La Vérité sur ce qui nous motive
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Marc Rozenbaum
Titre de l’édition originale : Drive
Copyright © 2009 by Daniel H.